Paysans, y 'en a des "vrais", et des "faux"...
Voilà trois jours qu'il est passé nous voir. On est à présent soulagés. Il faut dire qu'on dépendait un peu de son expertise pour la suite. Lui, c'est le contrôleur de la MSA, la Mutualité sociale agricole. L'agent public par lequel on sait si on est un vrai ou un faux paysan. Affable, expérimenté, sympathique, le fonctionnaire est arrivé sur les coups de 9h le matin. Il a entamé la visite avec Emmanuelle pendant que j'essayais, en vain, de soutirer un relevé de propriété à la mairie, un document qui donne une définition d'usage aux différentes parcelles cadastrées sur notre terrain. Après l'inspection au peigne fin des terrasses, le contrôleur entre à la maison et annonce ses conclusions : je serai chef d'exploitation à titre principal, Emmanuelle conjoint collaborateur. "Youpi", se dit-on, nous voilà vrais agriculteurs au sens administratif du terme.
Cotisant solidaire contre chef d'exploitation
Explication : l'agriculture offre deux statuts pour qui est candidat à la paysannerie. Ou bien celui, très peu reconnu, de cotisant solidaire, ou celui de chef d'exploitation. Dans le premier cas, l'agriculteur paie juste une assurance accidents du travail mais n'a droit à aucune couverture sociale ni points retraite. La raison : il n'a pas atteint ce qu'on appelle la demi-SMI (SMI pour surface minimum d'installation). Or, sans surface suffisante, la MSA estime qu'un paysan ne le sera pas vraiment, qu'il aura du mal à honorer le paiement de ses charges et qu'il vaut mieux qu'il se projette vers un autre ailleurs. C'est donc aux yeux de l'Etat un faux paysan, auquel on refuse le droit de se revendiquer agriculteur. L'autre statut, lui, transforme le même candidat en chef d'exploitation. Rien que l'appellation, ça en jette. Lui, il devra cotiser aux caisses de retraite, de la Sécu et des allocations familiales. En retour, il bénéficiera d'une réelle couverture sociale et de certains droits liés à l'exercice de sa profession comme par exemple celui de construire un hangar pour ranger du matériel. Et c'est ce statut que nous avons obtenu, il fallait pour cela cultiver au moins 5000 m2 (c'est 8000 m2 en plaine), un seuil dépassé chez nous avec près d'un hectare de terrasses, pas encore toutes cultivées mais ça va venir.
Par conséquent, si nous sommes très contents d'intégrer ainsi la profession par la grande porte, nous ne perdons pas de vue que le combat mené par certaines organisations, dont la Confédération paysanne qui n'est pas qu'un rassemblement de vieux barbus, mérite de retenir notre attention : la question de savoir s'il ne faudrait pas donner un coup de pouce aux cotisants solidaires pour les sortir d'une presque clandestinité doit être posée. Elle est d'autant plus sensible que plus de 43 % des installations agricoles nées sur le sol languedocien entre 1996 et 2006 ont été le fait de cotisants solidaires, selon une étude du conseil régional du Languedoc-Roussillon (télécharger ici le document PDF). Rareté du foncier, spéculation immobilière, extension des zones urbaines, mitage du paysage, lourdeur des investissements pour qui veut se lancer, voilà quelques soucis pas toujours faciles à régler.