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Le blog de Bonnaude
17 janvier 2011

2800 euros : vive le crédit d'impôt ! A bas le crédit d'impôt !

Ouais, super, mégachouette, cadeau du ciel : on vient de recevoir la confirmation du versement d'un crédit d'impôt de 2807 €. Non vraiment, youpi, en plus les soldes viennent de démarrer, alors avec maman, enfin je veux dire avec mon épouse on va pouvoir se mettre un K-way de qualité sur le dos et se payer de grosses chaussettes de laine pour attaquer bientôt les semis d'oignons sur notre terre si basse.

Bon. Trêve de balivernes. Au juste, le crédit d'impôt, ça marche comment, ça sert à quoi et fallait-il vraiment l'accorder aux petits (comme aux gros) producteurs bio ? A travers ces questions, vous voyez poindre l'analyse, voire la polémique que je voudrais humblement soulever.
Tout d'abord, oui on va l'encaisser, ce chèque du trésor public. Pas fous, les paysans bio, ils sont comme les autres. Et pis avec tout ce qu'on leur donne à l'année, hein, aux impôts, eh ben on va pô s'gêner, d'abord. Certes mais à part ça ? Pourquoi le gouvernement tient-il à verser de l'argent sur le compte des exploitations engagées dans la production bio ou en phase de l'être ? Au départ, le raisonnement ressemble à celui qui a popularisé le double vitrage et les panneaux solaires dans et sur les toits des chaumières de France : donner aux gens un peu d'argent pour les inciter à s'équiper tout en suscitant la création d'une filière professionnalisée sur le territoire. Bien. Sauf que, on l'a vu, le même gouvernement est en train de remettre en cause ce soutien né du fameux Grenelle machin-chose, en revoyant à la baisse le montant de l'électricité achetée aux producteurs en photovoltaïque ainsi que le crédit d'impôt de ceux qui achètent une chaudière au label flamme verte. Parce qu'en fait de véritables filières solaire et photovoltaïque, ce sont d'abord celles de l'Allemagne et surtout de la Chine qui se sont développées !
Il en va de même pour l'agriculture bio. L'accompagnement financier doublé en 2010 est revu à la baisse dès l'an prochain. Divisé par deux, chasse aux niches fiscales oblige. Résultat surtout d'une absence de vision à long terme sur le monde de la bio. Attardons-nous sur notre exploitation démarrée en mars 2009. A Bonnaude, sur un hectare cultivé, on a donc droit à 2800 euros cette année. Les médias parlent de 4000€ en général, il s'agit en fait d'un plafond lié à la surface (une base de 2400€ + 400 € par hectare jusqu'à 4000 € maxi). L'an prochain, coup de rabot annoncé, on ne devrait donc avoir droit qu'à 1200€. Mais la question de fond est de savoir si on a vraiment besoin de ça. Moi j'ose prétendre dans l'absolu que non. Dans l'absolu en effet, il vaudrait mieux s'attacher à travailler sur le forfait des charges sociales, en les modulant par exemple en fonction des surfaces et des chiffes d'affaires. Nous, quand on s'est installé, moins de 40 ans, on entrait dans le cadre de "jeune agriculteur", un statut qui ouvre droit à 65 % d'abattement dans les charges sociales. Génial. Sauf que c'est vrai et faux à la fois. Cette réduction porte seulement sur trois caisses principales: maladie, vieillesse et allocations familiales. Pour le reste, la complémentaire, les accidents du travail et diverses charges, il faut payer plein pot. Tout réuni, on n'est donc pas exempté à 65 % mais à seulement 23 %. Et encore, que la première année. Ensuite c'est dégressif. Or quand on s'installe en agriculture, il faut honorer de nombreux investissements, cibler sa production, constituer un réseau, se tromper dans sa stratégie pour mieux l'adapter. Et attendre au moins la quatrième et cinquième année pour amortir les frais. En général, un agriculteur est d'abord un travailleur endetté, dont tout l'avenir est entre les mains du Crédit... agricole!

En considérant tout ça, le crédit d'impôt, apparaît finalement plus comme un coup de pouce fiscal au parfum clientéliste que comme une réelle attention portée aux intérêts de la profession dont je me demande bien, malgré les bonnes intentions affichées, si elle parviendra à occuper 20% (contre moins de 3% aujourd'hui) de la surface agricole utile d'ici à 2020. L'autre inconvénient de ce crédit d'impôt est plus "sociétale". Il répand dans l'opinion l'idée selon laquelle la bio, tout comme l'agriculture conventionnelle, ne peut exister qu'aux dépens de la manne publique pompée sans vergogne. Jamais bon, ce type de message, en temps de crise, où tant de monde se serre la ceinture. Au final, le consommateur a en effet l'impression que tout confondu (primes de la PAC, crédits d'impôts et autres contrats territoriaux), se nourrir ne devient possible qu'au prix d'un sacrifice consenti par lui-même plus que par ceux qui sont censés produire. C'est en partie vrai, mais en partie seulement. Un maraîcher bio, par exemple, ne touche pas un kopeck de la PAC, réservée à l'élevage et aux grandes cultures (céréales, oléagineux).

Voilà donc au moins deux bonnes raisons -l'erreur de cible et les conséquences sur l'opinion- pour souhaiter qu'on arrête de créer ce type de soutien à la filière bio. Vous allez dire, mais c'est pas vrai, y sont jamais contents ces paysans dont on comprend décidément pas ce qu'ils veulent dire. C'est pourtant simple. Si on veut dans notre pays des paysages mieux valorisés, mieux cultivés, moins pollués et par conséquent, une santé publique qui fait des grands pas, il faut encourager ceux qui les aménagent non pas avec une carotte -bio ou pas bio!- mais un programme politique qui évite la schizophrénie en donnant un coup de pouce ici et en continuant de doper largement le lobby agro-industriel là.

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Commentaires
V
toujours ravie de lire vos articles très pertinents <br /> <br /> une néo-paysannne bio!!!
M
belle note de quelqu'un qui sait de quoi, il parle, merci pour les renseignements!
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