Adieu Roussette, bonjour Sherlock Holmes

Elle est partie on ne sait comment. Sans prévenir, ça c'est sûr. En remontant le temps, on s'est dit que ça a dû se produire entre 15 et 17 h, lorsque nous étions occupés dans la maison, décibels musicaux hurlants. Roussette a disparu subitement alors qu'on la voyait gambader sur une des terrasses juste avant. Alors, vous allez rire mais on a fini par se dire que le prédateur de ce jeune gallinacé était sans doute... une buse. Plusieurs raisons permettent de privilégier cette curieuse piste.
En un, si c'eût été un renard, il y aurait au sol des traces de bagarre et un amas de plumes disséminés autour du lieu du forfait. Par ailleurs, la clôture électrique, quoiqu'un peu enherbée, constitue un barrage qui fait ses preuves depuis plusieurs mois. Or le rusé animal, quand bien même aurait-il pu se faufiler au-dessous des fils, sait qu'il aurait eu plus de mal à repasser, la gueule chargée d'une poule, sans toucher. Exit donc la piste du plus connu des prédateurs.
En deux, la piste d'une genette ou d'une belette. Par analogie avec le renard, nous décidons de l'exclure.
En trois, l'idée du passage d'une voiture sur le chemin goudronné qui borde la maison est également écartée. Les traces, là aussi, n'auraient pas trompé.
En quatre donc, et faute de mieux, l'intervention d'un rapace nous paraît relever du plausible. Pas de signature, pas de bagarre, un travail finement ciselé, tout de promptitude et d'expertise. J'ai dit pas de signature ? Voire. Un dernier indice très étrange m'amène en effet à entrer dans les détails de l'éventuelle préhension par une buse. Un rat, oui un rat, décapité net, était posé sur une terrasse où Roussette avait l'habitude de se balader. Aussi, comme les chats ne chassent guère les rats et que les poules ne peuvent pas non plus les étêter aussi rapidement d'un coup de bec, pourquoi pas un prédateur ailé qui, voyant plus grosse proie que celle qu'il possède déjà, s'en débarrasserait vite fait bien fait pour l'échanger alors que les habitants sont confinés à l'intérieur de leur maison ? Ô diabolique conjecture qui me fait frissonner car soudain c'est toute la campagne qui retrouve son caractère sauvage et largement insécurisé.
Notre voisin Jean-Marc, familier du petit pays où nous nous trouvons, confirme du reste nos doutes. Lui-même, éleveur de volailles, s'est trouvé confronté à ce phénomène à plusieurs reprises, le constatant même parfois en qualité de témoin direct. Par ailleurs un éleveur de poules pondeuses bio situé près de la commune d'Alès m'a également confié que "c'est moins les renards que les buses qui posent problème dans les élevages de plein air".
Roussette, en tout cas, nous manquera. Elle était guillerette, toujours la première à se hisser sur la toiture végétalisée du poulailler, le matin, en attendant l'ouverture des portes. Sa cousine Grisette, avec laquelle elle formait un duo dynamique, semble ignorer ce qui s'est passé. Toute poule qu'elle est, poule elle est restée !