Semer 40 000 oignons, une vraie course à l'échalotte
Eh,
dites, il faut qu'on vous dise, mardi 2 mars, oui, fait
incroyable, il a fait beau chez nous. Beau, chaud, on se serait cru
dans le Midi et d'ailleurs même si on y est en plein, sans blague,
parfois on se demande. Bon, on a profité de cette belle journée, avec
"pôpi", pour préparer le semis d'oignons doux des Cévennes. Mais avant cela, laissez-moi vous conter l'histoire du chemin de croix de l'achat des semences.
Traqueurs de semences
Faire
de l'oignon doux, facile, encore faut-il disposer des bonnes graines.
En 2009, nous avions opté pour l'achat de plants à un producteur du
coin. Mais à 5 centimes d'euro le plant bio, les prix grimpent vite
d'autant que l'oignon doux se satisfait de conditions de culture en
rangs très serrés. Nous en acquîmes 10 milliers. Aussi, pour amortir nos sacs
d'un kilo remplis pour la plupart d'une quinzaine d'oignons petits mais
si bons, il a fallu en faire des marchés ! Cette année donc, on a
préféré acheter des graines, deux variétés sont admises : Cénol et Toli.
Dans un premier temps, nous nous sommes
rapprochés des rares producteurs bio. En vain, pas de semences disponibles. Deuxième temps : un coup de fil à l'Adoc, l'Association de défense de l'oignon doux des Cévennes, c'est-à-dire la maison mère garante de l'appellation contrôlée. Là, on me
confirme l'effective rareté de la semence bio et que
seules les initiatives individuelles de producteurs engagés dans la bio
peuvent palier momentanément au problème en l'absence d'une filière structurée. Un numéro de producteur m'est bien donné
mais lui non plus n'a pas assez de graines.
Une solution émerge néanmoins, satisfaisante d'un point de
vue technique mais pas forcément logique : déroger à l'exigence 100%
bio en achetant des semences certifiées a minima non traitées, ce qui apporte la garantie que la graine n'a pas subi de
manipulations chimiques. Un seul fournisseur, fin février, est en
mesure de fournir ces graines : Gautier semences, près d'Avignon. C'est
parti, nous commandons 200 g de la variété qui reste, Cénol, soit 50 000 graines. Nous préférons prévoir large. Quelques jours plus tard, nous recevons le colissimo, soit...
deux petites boîtes de conserve. Original, efficace. Ainsi nous voilà sauvés,
nous les petits bio qui galérons si souvent à trouver de la graine ou
du plant bio. Sauvés, à condition de semer illico, sans quoi nous
ratons notre intégration au marché à la croissance insolemment
exponentielle et mondialement hyper-concurrentiel de l'oignon doux. Rien de moins.
Préparer le sol
Rendons ici de
nouveau grâce au grand-père de nos enfants, sa contribution a été décisive pour parvenir à la bonne réalisation du semis dont voici les épisodes résumés un à un.
-D'abord,
rajeunissement et taille du vieux mûrier dont les branches certes
magnifiques commençaient de faire de l'ombre sur la parcelle envisagée,
laquelle a été fumée à l'automne précédent. -Ensuite, passage du croc sur une bande de 2 m de large sur 20 m de long, enlèvement des cailloux
et herbes potentiellement concurrentes (ne disons plus mauvaises, la
nature est si belle de complexité et d'équilibre entre les espèces qui
la composent...) et pour finir ratissage fin. L'étape suivante consiste
à creuser d'étroits sillons, pas profonds, à l'aide de l'outil idoine acheté aux puces d'Anduze.
-A partir de là, on ouvre la boîte de conserve et, délicatement, du bout de trois doigts, on attrape une pincée de graines, ni trop ni trop peu, qu'on répartit soigneusement dans chacun des six sillons longs de 20 m environ. Pour recouvrir, ce n'est pas obligatoire, on a choisi d'épandre du terreau sur un bon centimètre. C'est à la fois nutritif, sans cailloux et, pour tout dire, pratique. Enfin, comme nous sommes déjà le 2 mars, ce semis tardif sera recouvert d'un film plastique -la honte !- qui laisse circuler l'eau et l'air et créé un effet de serre -pas celui de Kyoto, l'autre- favorable à la croissance du semis alors qu'il est protégé du phénomène de battance. On se serait bien privé du terreau et du plastique si le semis eut été plus précoce, mais bon. Et puis quoi, à plus de 340 € le kilo de semence, autant prendre des dispositions précises, sinon, comment dire, pas d'oignons. Et du coup, réactions en chaîne obligent, pas de jolie culture, pas de consommateur heureux, donc pas de revenu, plus d'exploitation, liquidation, chômage, ruine, et alors problèmes de santé, vieillissement accéléré... Bon, en attendant, faisons les comptes. Il doit rester nous rester à peu près 40 grammes de graines, ce qui fait 160 g de semis, soit 1,7 que multiplie 25000 est égale à terme 40000 plants d'oignons, moins les inévitables ratés et le coefficient de rendement maximum divisé par deux et je retiens un -vous suivez toujours?-, ça fait donc que, a priori, on espère obtenir au moins dix mille oignons, comme l'an dernier.
L'éventuel excédent sera commercialisé sous forme de plants à repiquer, pas trop cher. Prochain rendez-vous avec l'oignon doux, vers le 15 mai, pour la séquence tout aussi épique que le semis : le repiquage.